Résumé : Les migrations constituent un phénomène démographique peu connu en Afrique de l'Ouest (même si le Burkina Faso, très concerné par ce phénomène, avait déjà procédé à plusieurs enquêtes sur ce sujet). C'est pour combler cette lacune que le CERPOD (en collaboration avec l'IRD et avec l'appui technique du CEPED ainsi que du Département de démographie de l'Université de Montréal) a constitué le Réseau migrations et urbanisation en Afrique de l'Ouest (REMUAO) pour réaliser des enquêtes sur ce thème. Celles-ci ont été menées simultanément entre décembre 1992 et septembre 1993 dans 8 pays d'Afrique de l'Ouest dont le Burkina Faso. L'ensemble des enquêtes portaient sur les migrations et non simplement sur les migrants, et se sont fondées sur le recueil et l'analyse de près de 140.000 biographies migratoires (c'est à dire la succession complète depuis la naissance de toutes les résidences d'une durée supérieure à 6 mois ont été enregistrées). Les enquêtes sont consacrées aux migrations des années 1988-1992 dans les pays concernés.
Pour le Burkina Faso, l'enquête a permis de recueillir des données sur les migrations, leurs motifs et leurs conséquence sociales, économiques et culturelles dans les zones de départ et d'accueil, les conventions de main-d'œuvre; le rôle des femmes dans les migrations, le comportement démographique des migrants, l'impact de leur pratiques agricoles et pastorales dans le processus de dégradation écologique des zones d'accueil.
En dépit de leur intensité et de l'importance de leurs implications socio-économiques et écologiques, les migrations constituent un phénomène démographique peu connu en Afrique de l'Ouest. Le Burkina Faso fait sans doute exception à ce constat avec les enquêtes de 1960-1961, 1972-1973 et 1974-1975 qui, en 1993, étaient déjà anciennes. Quant aux recensements généraux de population (1975 et 1985), ils mesurent le phénomène de façon indirecte : ce sont plus les "migrants durée de vie" qu'on comptabilise que les migrations dans une période précise. C'est pour combler ces lacunes qu'ont été réalisées les enquêtes du Réseau Migrations et Urbanisation en Afrique de l'Ouest (REMUAO), opérations destinées à mesurer les migrations directement auprès des ménages. À l'aide de ces enquêtes, les flux migratoires intervenus au cours des années 1988-92 sont été mesurés auprès de la population âgée de 15 ans et plus des huit pays du REMUAO : Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Guinée, Mali, Mauritanie, Niger, Nigeria et Sénégal.
Ces enquêtes ont été lancées et coordonnées par le CERPOD (Centre d'études et de recherche sur la population pour le développement) en collaboration avec l'IRD et avec l'appui technique du CEPED ainsi que du Département de démographie de l'Université de Montréal. Ce projet est doublement original : d'une part, chaque pays a utilisé les mêmes instruments d'enquête et la collecte des données a été effectuée à peu près à la même période en utilisant la même méthodologie, ce qui rend possible des comparaisons ; d'autre part, ces enquêtes permettent de retracer au niveau national l'ensemble des cheminements migratoires puisque les échantillons sont représentatifs à ce niveau. Cela a été rendu possible grâce au recueil rétrospectif de biographies migratoires, où la succession complète, depuis la naissance, de toutes les résidences d'une durée supérieure a 6 mois, a été enregistrée.
Les objectifs de ces enquêtes étaient : a) la mesure des flux ; b) l'analyse des caractéristiques, attitudes et aspirations des migrants ; c) l'étude des déterminants et des conséquences des migrations ; d) l'examen du degré d'insertion des migrants. L'enquête du Burkina Faso a de plus étudié les comportements reproductifs.
Pour cela, plusieurs questionnaires ont été utilisés, notamment un questionnaire ménage, un questionnaire "biographie migratoire" pour les migrants âgés de 15 ans et plus, et trois questionnaires "approfondis" (migrants ; migrants de retour ; non migrants).
Les résultats des enquêtes du REMUAO constituent une remarquable base de données sur les migrations. Ils ont permis de remettre en cause de nombreuses hypothèses sur les migrations et l'urbanisation, et de montrer sous un jour nouveau la dynamique de population dans la région. Les analyses de ces enquêtes ont permis d'éclairer les choix politiques qui s'imposent face à l'importance des flux migratoires et à leurs conséquences sur la répartition de la population dans l'espace national et international. En effet, le projet d'intégration économique régionale ne peut aboutir sans une étude précise des mouvements des populations ouest-africaines.

Echantillonnage : L'échantillon comportait 10.100 ménages et 4.700 biographies migratoires ont été collectées.Un des objectifs majeurs de cette enquête (comme de celles du Réseau REMUAO) était de fournir des estimations fiables de la migration pour le milieu urbain et le milieu rural de chacune des premières divisions administratives du pays. Pour cela, l'univers d'étude a été découpé en 10 strates urbaines et 10 rurales dans 10 régions.
Pour réduire les coûts de la collecte, le Burkina Faso a utilisé au premier degré l'enquête démographique (ED) de 1991 comme échantillon-maître actualisé : la cartographie effectuée lors de l'ED a servi ainsi d'actualisation des grappes (zones de dénombrement, ZD, du RGPH de 1985) tirées en 1991, et un sous-échantillon a été tiré parmi ces grappes pour cette enquête migration de 1993. Les grappes ont été tirées proportionnellement au nombre d'individus, sauf pour Ouagadougou et Bobo Dioulasso (où il a été fait proportionnellement au nombre de ménages après actualisation de la cartographie). 333 grappes (ZD) ont ainsi été tirées.
Au second degré, on a tiré un nombre constant d'individus (donc le nombre de ménages varie selon la taille moyenne des ménages), sauf pour Ouagadougou et Bobo Dioulasso (nombre constant de ménages). Au total, on a tir&é 65 235 individus, soit 10 091 ménages. 4 692 migrants des 10 dernières années âgés de 15 ans et plus étaient éligibles au volet biographique et 5 484 individus ont été soumis à un questionnaire approfondi (migrant, migrant de retour et non migrant).
L'enquête du Burkina Faso a connu des problèmes au niveau de la sélection des migrants. Mais un redressement (qui se base sur une modélisation à partir de données fiables) a pu être effectué.