Résumé : Ce « recensement administratif » est en fait une opération dont les résultats (publiés) proviennent de deux sources : le recensement administratif proprement dit et un comptage de la population réalisé par l'Institut d'hygiène dans le cadre d'une campagne de vaccination contre la variole.
1) Le recensement administratif est confié, dans la majorité des cas, à un agent administratif qui, au cours de tournées, passe de village en village. Il dispose d'un "cahier de village" issu du dernier recensement, où sont notés le plus souvent la liste des habitants, leur filiation, leurs âges approximatifs et leur appartenance ethnique. Il complète ce cahier en y inscrivant, famille par famille, les naissances, les décès, les arrivées et les départs, ou bien, et c'est le cas le plus souvent rencontré, il entreprend la rédaction d'un nouveau cahier. Les critères servant à définir la population à recenser ne sont pas homogènes d'une sous-préfecture à l'autre ; hérités de l'administration coloniale et transmis par les agents recenseurs, anciens fonctionnaires de cette administration, ils sont appliqués avec plus ou moins de rigueur. Et les mouvements migratoires perturbent et compliquent le travail de l'agent recenseur qui les prend plus ou moins bien en compte (absents ou émigrés, population flottante, etc.), surtout dans les agglomérations. Ils sont souvent mal enregistrés dans les zones de départ, mieux observés et pris en compte dans les zones d'arrivée, et la population migrante risque d'être comptée deux fois.
Le recensement ne donne pas un instantané de l'état de la population pour deux raisons : d'une part, à l'intérieur de chaque circonscription, les opérations sont conduites sur plusieurs mois, voire plusieurs années ; d'autre part, l'année de recensement varie d'une circonscription à l'autre. De plus, la périodicité d'environ quatre ans demandée par l'administration centrale n'est pas respectée dans certaines sous-préfectures par manque de personnel.
Les résultats ne sont rassemblés que de façon très fragmentaire aux chefs-lieux de département. Pour en obtenir le détail, il est nécessaire de passer dans chaque circonscription. C'est ce qu'a réalisé une équipe de l'Office de la recherche scientifique et technique outre-mer (ORSTOM) au cours de tournées effectuées dans les 109 sous-préfectures, où ils ont pu constater que chacune d'elles avait été recensée au moins une fois, souvent deux, depuis 1960.
2) Un comptage de la population village par village a été réalisé par l'Institut d'hygiène (organisme dépendant du Ministère de la Santé Publique) dans les années 1962-1963, à l'occasion de campagnes de masse d'éradication de la variole, dont les résultats ont été publiés. L'objet de ces campagnes était la vaccination de toute la population résidant en Côte d'ivoire (qu'il s'agisse d'ivoiriens ou d'étrangers) par des équipes qui passaient dans tous les centres, villages et campements. Le dénombrement des vaccinostyles employés donne pour chaque localité un chiffre de population. Le décompte est fait entre hommes, femmes, enfants et nourrissons. La population recensée est la population « de fait », présente au moment du passage des équipes de vaccination. A la population résidente, autochtone ou non, s'ajoutent les travailleurs saisonniers et les passagers ainsi que la population flottante des villes, qu'il n'est pas possible de distinguer du reste de la population. Ces comptages complètent les recensements administratifs qui ne prennent en compte que la population « de droit » dans les villages officiels et auxquels échappent généralement les immigrés.
Enfin, il faut noter qu'une partie de la population fuyait la vaccination (en particulier dans le département du Nord, en pays Malinké et Sénoufo). D'après les médecins en poste dans ces régions, la sous-estimation du comptage peut atteindre localement 20 % de la population. Il n'en reste pas moins que cette source est la seule ayant couvert toute la Côte d'ivoire en un temps relativement court se rapprochant des conditions d'un véritable recensement.
Une nouvelle campagne de masse a été effectuée en 1965-67.
Les rapports présentant les résultats ont été communiqués par l'Institut d'Hygiène à l'équipe de l'ORSTOM.
3) Lors de ses tournées dans l'ensemble des sous-préfectures, l'équipe ORSTOM a confronté les deux séries de résultats et a homogénéisé la liste des villages. Les deux séries de chiffres de population ont ensuite été ramenées à la même date, 1965, grâce aux taux d'accroissement régionaux fournis par les enquêtes de 1961-67.
Pour chaque sous-préfecture, l'estimation retenue a été soit l'un des chiffres, soit leur moyenne. Dans quelques cas, le chiffre retenu a été celui de la 2ème campagne d'éradication. Dans les 2/3 des circonscriptions, l'écart séparant les deux données principales est minime : il ne dépasse pas 5 %. Cette cohérence semble garantir une évaluation très proche de la réalité. Ailleurs, des écarts plus importants révèlent la faiblesse d'au moins un des deux comptages. Les indications recueillies par l'équipe sur la qualité de l'une ou l'autre source, ont alors guidé son choix.

Echantillonnage : Sans objet - opération exhaustive