Résumé : Le territoire sous tutelle belge du Ruanda-Urundi (54.700 km² au total) était divisé administrativement en deux "résidences", le Ruanda et l'Urundi, comptant respectivement 8 et 9 "territoires". Ceux-ci se composaient de chefferies,·à leur tour subdivisées en sous-chefferies, qui formaient les unités administratives les plus petites. La population y était extrêmement éparpillée dans des habitations isolées sur les sommets, dans les bas-fonds ou le plus souvent sur les flancs des collines qui constituaient le lien géographique entre ces habitations.
Les statistiques officielles provenaient jusqu'au début des années cinquante de deux sources : le recensement administratif sur fiches et les enquêtes démographiques.
Le recensement administratif incombait aux chefs et sous-chefs coutumiers. Tout individu de sexe masculin établi ou arrivant au Ruanda-Urundi avait l'obligation de se faire inscrire. La fiche comportait, outre son identité complète, des mentions relatives à sa famille. En partant de ce fichier, les sous-chefs ou des employés africains des territoires faisaient annuellement un recensement complet, mais les chiffres obtenus étaient fort sujets à caution.
Les enquêtes démographiques par sondage portaient, dans chaque territoire, sur un certain nombre de groupements considérés comme représentatifs. Les données recueillies étaient extrapolées à l'ensemble de la population ; elles permettaient en premier lieu d'évaluer les taux de natalité et de mortalité, puis de recouper les résultats du recensement administratif. Ces enquêtes présentaient toutefois un certain nombre de défauts (l'échantillonnage n'était pas du tout aléatoire et portait sur des effectifs trop faibles, la collecte des données se faisait sans aucun contrôle, etc.).
C'est ainsi que le Plan Décennal du Ruanda-Urundi (1951-1961) insistait sur la nécessité de posséder des statistiques démographiques aussi précises que possible et donc de créer les conditions favorables à leur élaboration. Devant l'impossibilité reconnue d'exécuter à l'époque un recensement, le Gouvernement du Ruanda-Urundi a décidé d'organiser une enquête par sondage en s'appuyant sur l'administration territoriale.
On a commencé par former un cadre permanent d'enquêteurs démographes autochtones à raison d'un pour chaque territoire et de deux pour les 5 territoires les plus peuplés ; en outre un élément de réserve était prévu par territoire, qui pouvait cependant être utilisé pendant la période des enquêtes. Ces enquêteurs démographes, au nombre de 40, furent recrutés par moitié au Ruanda et par moitié dans l'Urundi principalement parmi les secrétaires indigènes les plus capables des territoires. Leur contingent fut complété par des engagés volontaires justifiant au moins d'un diplôme d'études moyennes du degré inférieur et ayant satisfait à un examen d'entrée portant sur la connaissance pratique du français et de l'arithmétique.
Leur formation théorique a duré environ trois semaines, suivie, pendant quatre semaines, de la réalisation d'enquêtes pilotes dans quatre régions typiques du Ruanda et de l'Urundi.
Pour l'enquête proprement dite, les enquêteurs se sont rendus sur 211 collines du Ruanda et sur 254 collines de l'Urundi, comprenant environ 320.000 habitants. Le rythme de travail prévu était au minimum de 200 habitants par jour et par enquêteur. "L'enquêteur, précédé par des porteurs déplaçant ses outils de travail (sa table, sa chaise et ses registres), allait de hutte en hutte, tandis que le sous-chef l'accompagnait, afin de le seconder du poids de son autorité pendant l'interrogatoire des habitants, rassemblés dans l'enclos typique de leur demeure."
Le questionnaire était constitué d'un tableau de 39 colonnes inspiré par celui utilisé en Rhodésie du Sud en 1947. Il comportait des questions sur : l'âge (avec simplement trois groupes d'âges : enfants, adultes, vieillards ; et des limites différentes pour ces groupes d'âges : 19 et 55 ans pour les hommes, 15 et 45 pour les femmes), le sexe, la race, les naissances et décès des 12 derniers mois, la fécondité des femmes, la possession de bovidés.
L'exploitation mécanographique des données, préparée au Centre de l'IRSAC à Astrida (aujourd'hui Butare), notamment la codification des tableaux, fut réalisée par la Section Statistique du Gouvernement Général à Léopoldville (aujourd'hui Kinshasa).
Cette enquête fut la première expérience de ce genre, entreprise sur une échelle aussi vaste dans les territoires belges d'Afrique. Elle a été fructueuse, d'autant plus qu'elle a été répétée annuellement jusqu'en 1957, tant au Ruanda qu'en Urundi, selon le même système, sur le même échantillon, mais avec un questionnaire allégé (29 colonnes au lieu de39), sauf en 1957 où l'on réutilisa le questionnaire complet de 1952.
Certains de leurs résultats, et en particulier les divers taux de mortalité, furent mis en doute dès 1953 et en 1957, il régnait encore une grande incertitude quant au niveau réel de la mortalité, les erreurs d'observation étant largement supérieures aux erreurs dues à l'échantillonnage.
Comme cette enquête porte sur deux pays, le Rwanda (ancien Ruanda) et le Burundi (ancien Urundi), elle est inventoriée avec la même description dans chacun d'eux.

Echantillonnage : On a procédé à un sondage à deux degrés. Pour constituer les unités primaires, on a regroupé les sous-chefferies par deux ou trois, pour former des unités d'environ 7.500 habitants. Les unités secondaires étaient les collines, parties constitutives des unités du premier degré.
Les unités primaires ont été stratifiées en 4 strates selon des critères ethniques et agricoles : strate pastorale (peuplée surtout de Batutsi), strate agricole (à dominante Bahutu), strate mixte ; en outre, les zones qu'on ne pouvait pas classer selon ce critère ont constitué une quatrième strate, dite spéciale (le Mosso, le Mutara, la Plaine, une région sous l'influence d'un grand centre européen, une région marécageuse particulièrement malsaine, etc.).
Le choix des unités primaires s'est fait par strate et au hasard à l'aide d'une table de nombres aléatoires. Les régions agricoles étant de loin les plus importantes du point de vue du nombre de leur population, on leur a appliqué un taux de sondage supérieur. On a choisi au hasard 2/5 des collines composant les unités du premier degré dans les régions agricoles et ¼ dans les autres région. On a ensuite au second degré tiré au sort ¼ des collines dans chaque unité primaire échantillon.